Babillard

L’officier municipal et la responsabilité civile de la municipalité

Chronique présentée par le Service d’assistance juridique (SAJ) de la Fédération québécoise des municipalités (FQM).

Mise en garde : Dans la présente mise en situation fictive, nous mettons en scène un officier municipal en bâtiment et en environnement (OMBE) de la municipalité de Haut-Foin-sur-le-Fleuve. Toutes les informations mentionnées ont été inventées, mais démontrent tout de même les principes de la responsabilité civile que peut engager un inspecteur dans le cadre de ses fonctions. Même s’il s’agit d’une histoire fictive, toute situation similaire vécue au sein de votre propre municipalité devra faire l’objet d’une analyse afin de, notamment, tenir compte des faits particuliers applicables.

Par un lundi matin d’été, l’OMBE rentre au bureau municipal, « le dernier lundi avant de partir pour les vacances en famille prévues vendredi midi », se dit-il. Avant son départ, il doit cependant s’affairer à quelques tâches administratives qu’il remet depuis plusieurs jours. Il doit également analyser une demande de permis qui lui a été soumise au courant des dernières semaines et dont le délai pour l’émission du permis demandé arrivera à échéance pendant son absence.

Lorsqu’il a pris connaissance de cette demande, au moment de sa réception, l’OMBE a rapidement compris qu’il devrait mettre en application le Règlement concernant la mise en œuvre provisoire des modifications apportées par le chapitre 7 des lois de 2021 en matière de gestion des risques liés aux inondations (Régime transitoire), entré en vigueur en mars 2022. Considérant la complexité de la demande, laquelle nécessite des vérifications dans les différents règlements provinciaux en matière d’environnement, il décide de débuter son lundi matin avec ce dossier.

Après avoir jonglé avec le Régime transitoire, le Règlement sur les activités dans des milieux humides, hydriques et sensibles (RAMHHS) et le Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement (REAFIE), l’OMBE n’y voit plus clair et ne sait plus si la demande de permis nécessite une autorisation du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) ou de la municipalité, ou s’il s’agit plutôt d’une situation d’exonération.

Il s’avère que la demande de permis ne comporte pas suffisamment de détails, notamment sur la superficie de la construction projetée. En raison de la complexité de la demande, du suivi nécessaire auprès du demandeur et du manque flagrant de temps pour effectuer une analyse complète du dossier avant son départ en vacances, l’OMBE décide d’aller de l’avant et délivre le permis avant que le délai n’arrive à échéance.

L’été passe et, dès l’arrivée de l’automne, l’OMBE reçoit un courriel d’une résidence voisine à celle du demandeur, indiquant que les travaux en cours semblent d’une envergure plutôt inhabituelle. L’OMBE se rend donc sur les lieux et constate avec stupéfaction l’ampleur de la construction située en partie en rive et en partie sur le littoral. Il demande alors la suspension des travaux le temps qu’il effectue les vérifications appropriées. Au terme de celles-ci, l’OMBE n’a pas d’autre choix que de révoquer le permis et d’exiger la démolition de la construction, laquelle est, à ce moment, estimée à 25 000 $.

La question qui se pose dans cette situation est : est-ce que la municipalité est responsable des dommages causés au demandeur en raison du comportement négligent de l’OMBE à l’égard de sa demande? La réponse est sans aucun doute oui, mais en vertu de quoi? La responsabilité civile, pour être engagée et permettre la réparation du préjudice subi par autrui, nécessite la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité, conformément à l’article 1457 du Code civil du Québec. Pourquoi impliquer la municipalité plutôt que l’OMBE dans ce type de dossier? La municipalité est « responsable » d’une réclamation découlant de l’émission d’un permis de façon erronée, puisque l’OMBE est son préposé et qu’il agissait dans le cadre de ses fonctions, tel que le prévoit l’article 1463 du Code civil du Québec.

Ces principes trouveraient certainement application dans cette situation, puisque la façon dont l’OMBE a procédé au traitement de la demande de permis semble déroger à la norme de conduite qu’adopterait un « bon inspecteur de famille », soit un inspecteur prudent et diligent. S’agissant d’un comportement qui déroge à la norme de conduite, il est fort probable que celui-ci serait constitutif d’une faute. Le préjudice subi serait, quant à lui, la valeur de la construction, puisque le demandeur a engagé des dépenses qui s’avèrent inutiles en raison de la démolition. Enfin, le lien de causalité entre la faute et le préjudice serait probablement établi étant donné que la démolition découlerait vraisemblablement du permis émis erronément.

En terminant, ce qu’il importe de retenir de cette mise en situation est qu’une analyse approfondie, consciencieuse et détaillée d’une demande de permis est primordiale pour éviter les erreurs et les réclamations.

Pour toute question ou un accompagnement personnalisé à ce sujet, n’hésitez pas à contacter les avocats du Service d’assistance juridique de la Fédération québécoise des municipalités.

Cette chronique a été rédigée par :

Me Cynthia Tremblay
Avocate, Service d’assistance juridique
Fédération québécoise des municipalités